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Qu'elle est donc ce bourdonnement lointain ? Cette souffrance qui me transcende actuellement ? Cette fougue qui me tire vers l'enfer ? Qu'est-ce donc ? Pourquoi est-ce qu'on m’ôte de ce cocon dans lequel je suis avec ma sœur ? Que va-t-il lui arriver ?Pendant un instant je suis déconnecté de toute pensée, de toute espoir, de toute vision du monde. Un gémissement puissant sort de la gueule d'une chatte, un dénommée Sibelle. Gisant dans une marre de sang, je suis pris par la peau du coup et posé contre la douce pelisse de ma mère. Une autre boule de fourrure est ensuite collée à ma gauche mais, bizarrement, son odeur n'est pas la même que la mienne. Je me mets à téter ma mère, j'aimerais ouvrir les yeux pour contempler sa fourrure, vu sa douceur ma mère doit être très belle.
Je me suis assoupi. Lorsque je me réveille, je suis au même endroit. Un ronron s'échappe de ma mère puis elle commence à me lécher le creux entre mes oreilles. Cela n'est pas déplaisant. Elle fait pareil à ma sœur, légèrement jaloux je me rapproche d'elle en "ronronnant".
Quelques jours passent, nous avons pas bougé. Nous sommes toujours à l'abri dans ce buisson, notre père, membre du Clan du Tonnerre nous rend visite très régulièrement. Tous les jours pour être précis. C'est en ce jour froid que je décidé d'ouvrir mes yeux, je suis tout de suite ébloui par la luminosité de ce monde inconnu. Heureusement que le buisson filtre un petit peu la lumière. Ma sœur a toujours les yeux clos, je tourne les miens vers ma mère. Sa pelisse blanche est resplendissante grâce à la luminosité, elle tourne ses yeux couleurs noisettes vers moi avant de pousser un petit hoquet de surprise. Puis se met à pousser un long roucoulement avant d'appeler mon père, qui accoure, celui n'a jamais accepté notre naissance.
La saison des feuilles mortes étaient déjà bien installée lorsque notre mère nous fit prendre la route. Elle portait ma sœur par la peau du coup et je marchais à ses côtés, j'étais plus costaud qu'elle et je pouvais à peu près me déplacer sur la légère couche de verglas, à chacune de mes chute, ma mère me rattrapait et me remettait sur patte. Quelques heures après le début de notre périple, nous arrivons au lieu dont notre mère nous a sans cesse parlé.
Nous franchissons une trappe, ma mère pousse un miaulement strident puis de lourd pas se dirige vers nous. Je me cache derrière ma mère, apeuré par ce qu'il risque de nous arriver. Un chat sur deux pattes et sans poils apparaît. Ma mère me murmure qu'il s'agit de son Deux-Pattes. Elle avance vers lui et se frotte à sa jambe, le Deux-Pattes beugle quelque chose d'incompréhensible avant que deux autres Deux-Pattes arrivent en courant.
Quelques jours après notre arrivée ici, nous sommes rebaptisé. Désormais, je m'appelle Polux, ma sœur, quand-à-elle, se fait renommer Nahis. Nous vivons ensemble, toujours ensemble. Nous étions parfaitement nourris si bien que mon ventre commençait à gonfler, doucement. Puis rapidement, ma sœur c'est absentée. Les Deux-Pattes l'ont emmenée avec eux. Je ne sais pas où. Ma mère est très sereine et me dit que tout va bien se passer mais je peux pas m'empêcher de penser qu'ils vont lui faire du mal.
Un jour. Une longue journée sans elle. Je vois alors sa fourrure se dessiner, elle traverse la chatière et je m'élance vers elle en trottinant et en miaulant de joie. Je l'enlace et je ronronne. Mais elle accompagne pas mon ronronnement, pourquoi ? Je la laisse ensuite aller voir ma mère, elle lui a aussi manqué, elle éclate en sanglot contre son épaule et explique ce qu'il s'est passé. Je suis triste pour elle. A nous voir on pourrait croire que ça fait des lunes qu'on ne s'est pas vu pourtant, une seule journée l'un sans l'autre nous a épuisé. C'est le baume au cœur que nous nous endormons les uns contre les autres au pied du poêle.
Le lendemain ainsi que tous les jours qui suivirent furent les mêmes. Nous mangions, dormons, nous nous promenions, nous nous faisions caresser. C'est ainsi que je commençais à prendre du poids et à voir mes réflexes s'atténuer. Je n'ai jamais demandé à ma mère qui était mon père. Il devait être une grosse crotte de renard pour laisser ma mère seule dans cette galère.
Les lunes passèrent, les poils grisonnant commençait à apparaître sur le museau de ma mère, il fallait être aveugle pour ne pas voir qu'elle fatiguait. J'avais désormais ma taille adulte, le bidon un peu trop rond mais je n'étais pas complexé du tout. J'avais atteint les quinze lunes il y a peu. Ma mère devait en être à un nombre important, elle se fatiguait facilement, des abcès commençait à lui apparaître un peu de partout. Ma sœur et moi-même étions toujours à ses côtés.
Une nuit, il lui en a fallu qu'une. Une longue nuit de souffrance. Les gémissements se superposaient, elle n'a pas eu une belle fin. Après plusieurs heures de bataille pour vivre, elle s'est éteinte en un souffle, léger et pur, celui d'une mère qui a tout donné pour ses chatons. C'est de ma faute. Je me suis toujours reproché la mort de ma mère, si je m'étais plus occupé de ma sœur elle serait encore en vie.
Les ennuis s'enchaînèrent alors. Un jour, environ une semaine après la mort de notre mère, un Deux-Pattes, très petit vint jouer à la maison de nos Deux-Pattes. Haut comme trois pommes et idiot comme mille, il m'a attrapé par la peau du coup et m'a jeté contre le mur. En un feulement je lui ai griffé la joue, il a saigné mais moi, me fracassant contre le mur j'ai gémis. Je me suis effondré au sol. Suffoquant. Mon réflexe, en tant que frère protecteur a été le bon. Sans poser ma patte au sol, j'ai poussé du bout du museau ma sœur qui a tout de suite compris. Nous sommes parti en courant, nous avons franchis la clôture par en-dessous grâce aux trous que nous avions creusé lorsque nous étions chaton puis nous avons continué de courir dans la forêt à la recherche d'un abri pour la nuit. Cet incident est arrivé lorsque nous avions seize lunes.
Quelques jours après cela, nous avons rencontré un chat qui prétendait être notre père. Il était sincère, il était bouleversé lorsqu'il a appris la mort de sa compagne, il a fondu en larmes en s'appuyant sur mon épaule. Je l'ai laissé faire. Puis il nous expliqué qu'on était la seule chose qui comptait à ses yeux, la seule trace de sa compagne. Il a alors insisté pour que l'on rejoigne cette troupe de mystérieux chat sauvages.
J'ai attendu longtemps que ma patte se remette, trois lunes environ et maintenant je continue de boiter même avec ma patte réparée. J'ai été victime de nombreuses insultes sur mon poids lors de mes débuts dans le Clan. J'ai réussi à perdre les kilos que j'avais en trop pour stopper ses insultes mais elles ont continuée, mais sur mes origines. Ma sœur n'a pas bien réussi à s'intégrer mais je serais toujours là pour l'aider. C'est souvent moi qui m'occupe des tâches des apprentis, mais pourquoi ? Je ne le sais pas, je me contente d'exécuter les ordres de mes supérieurs. M'exploitent-ils ?